dimanche 17 décembre 2017

C'est bien le Diable si...



Il arrive parfois que ce qui s’avère un jour être une question évidente passe longtemps presque totalement inaperçue. Ainsi le fait que le Diable ait un visage sur le ventre -et donc une bouche- et des yeux sur les genoux. Bien sûr que la chose est pointée dans bien des ouvrages ; mais étonnamment les analyses sur la question sont le plus souvent rapides et presque évacuées. Pourtant, si l’on part du principe que rien dans le Tarot de Marseille n’est là pour rien, on ne peut que s’interroger. Qu’il exhibe une poitrine de femme et un sexe d’homme va bien avec la connotation sexuelle et instinctuelle qu’on lui prête, mais ces yeux et ce visage ?

Tout d’abord constater qu’ils ne sont pas placés à n’importe quel endroit : ils sont sur les genoux et sur le ventre. Bien sûr à l’époque de sa conception personne n’aurait théoriser sur le fait que notre estomac et nos intestins étaient un deuxième cerveau… Mais sans doute aurait-on pu dire que si le Diable a quatre yeux, c’est pour souligner le fait qu’il voit dans les ténèbres. Il appartient au royaume de la nuit et de l’obscurité. Il a des ailes de chauve-souris et une torche. Le Diable est celui qui voit dans le noir et donc voit ce que nous ne pouvons ni ne voulons voir. Alors il nous le montre. Et lorsque nous voyons notre part d’ombre, notre refoulé (sexuel, émotionnel, psychique…) nous enclenchons alors deux scénarios possibles : soit nous nous y attachons et devenons sa chose (c’est toute la problématique prédatrice autour du binôme « domination / soumission » du Diable), soit nous nous en libérons parce que le fait de voir et de conscientiser nos ombres nous permet de déjouer ses stratégies et de la désactiver en nous. Cette toute la dualité de Lucifer qui dans le christianisme est un ange déchu. Un porteur de lumière qui aurait mal tourné… Il a d’ailleurs bien des caractéristiques communes avec les dragons : ailes de peau, serres au bout des doigts, hybridité de ses origines, relation au feu et à la caverne… Or, ne dit-on pas toujours dans les histoires que, là où il y a un dragon, il y a un trésor ?
Le Diable est donc double : tentateur (et si tu succombes il t’attache à lui) ou éclaireur (mais encore faut-il avoir le courage d’aller y voir ! Mais alors que de trésors ne trouvons-nous pas !).

Mais revenons à ce visage et à ces yeux. En fait, il voit avec son corps et son corps parle. Ainsi nous demande t-il très frontalement : que te dit ton corps ? Qu’est-ce que tu comprends de ton corps ? Tu dois te connecter à l’intelligence de ton corps ! Et cela est intéressant, parce que dans le chemin du Tarot et donc dans sa progression numérique, le Diable est le numéro 15. Cela signifie qu’il ouvre le troisième tiers de ce chemin ayant déjà vécu bien des expériences aussi bien dans la matière que spirituelles. Après lui, il y a la Maison Dieu (ce qui était enfermé est libéré) puis le cycle cosmique (Étoile, Lune, Soleil) puis l’Éveil (Le Jugement et le Monde). Si on part du principe que le Tarot est le voyage de la conscience qui s’incarne, l'arcane du Diable, au pied de la lettre, nous pose bien la question de l'incarnation. Or, elle est presque à la fin ! Cela revient à dire qu’il y a là une information et une mise en garde très importante qui en substance pourrait dire ceci :

- " Attention, tu te crois éveillé, tu crois être dans la spiritualité. Tu ressens comme une extase psychique. Tu crois être pure énergie, avoir touché Dieu, t’être émancipé de la matière. Mais n’oublie pas ; tu as un corps. Et ce corps sait plus de choses que ce que tu ne le penses. Négliges-le et tu le paieras cher. Ne l’écoute pas et tu seras comme aveugle. Refoules ce qu’il te dit, et alors le risque que tu ne deviennes esclave de tes ombres devient plus que certain ! Avant l’ultime séquence cosmique du Tarot, tu te dois de revenir à ton corps, à ses mémoires et à son savoir. Parce que tout ce que tu ne sais pas, moi je le sais. Et tout ce que tu ne sais pas et que je sais, est un moyen supplémentaire pour moi de t’attacher à moi et de faire de toi ma chose, mon petit diablotin attaché… Par contre, sache que si tu passes cette étape comme il se doit, alors dans ton corps tu trouveras un trésor... Et n'oublie pas : il ne peut y avoir de réalisation sans incarnation. Il ne peut y avoir de spirituel sans matière, et ainsi de suite..."

Ce rappel de l’incarnation dans le corps n’est pas que dans le Diable, on le trouve aussi dans l’Étoile ! (Où, là aussi, le genou apparaît comme un lieu d’ancrage et de compréhension à prendre en compte). Le Tarot, à cette lecture, s’avère bien plus transgressif pour l’époque de sa conception que ce que l’on pourrait imaginer.

Chaque arcane du Tarot est comme un miroir qui nous questionne. Le Diable donc nous regarde et nous dit (entre autres choses toutes aussi importantes) : comment respectes-tu ton corps ? Que te dit ton corps ? N’oublie pas que tu ne peux pas être que pur esprit. Tu dois honorer ton corps comme un temple. Moi je parle son langage. Alors écoute-moi et écoute-le. A toi de ne pas me laisser t’embobiner...

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