dimanche 13 janvier 2019

Le Mat et Kokopelli : une rencontre sur le grand chemin



Kokopelli n’est pas que le nom d’une association militant pour la libre circulation des semences ; c’est avant tout le nom d’un personnage mythique dans les cultures amérindiennes (entre autre chez les Navajos, les Hopis et les Zunis, mais on en trouve aussi des représentations au Canada et même… au Pérou !).

Souvent représenté comme un joueur de flûte bossu, c’est (dixit Wikipédia) " un symbole de fertilité, de joie, de fête, de longue vie. C’est aussi un ménestrel, un esprit de la musique, un conteur, un voyageur de commerce, un faiseur de pluie, un guérisseur, un professeur, un magicien farceur, un séducteur, un fertilisateur" (et à ce titre il est souvent représenté avec un phallus largement surdimensionné!). C’est aussi un sage, avec une histoire pour chacun, rejoignant en cela la joyeuse cohorte des sages-fous comme Nassrudin et bien d’autres…

Si je te parle de lui, c’est parce que j’ai eu la chance il y a peu d’apprécier une magnifique peinture de sable traditionnelle navajo le représentant, et que sur cette représentation, il portait un baluchon suspendu au bout d’un morceau de bois, ce baluchon dans mon souvenir (mais je n’en suis pas certain) remplaçant alors sa bosse habituelle. Oui, parce que dans la mythologie, il est dit que cette bosse contient sa flûte, des graines, des plantes, des mocassins, des couvertures, des sacs de chansons, des objets sacrés ou médicinaux, et même… des bébés ! (1) Le tout étant destiné à être offert aux personnes qu'il souhaite séduire ou contenter. Et donc, dans le cas présent, il est possible d’imaginer que tous ces objets aient été placés dans son baluchon.

Et là, je sens que tu commences à voir où je veux en venir n’est-ce pas ? Parce qu’évidemment, dans le Tarot il y a un personnage se déplaçant avec ce type de baluchon et c’est le Mat.

Le Mat est en chemin, le Mat voyage sans trêve comme Kokopelli, c’est dans sa nature. Là où il va, il apporte l’énergie de la Vie. Il est l’énergie de la vie même, sans dogme, sans moral, il est le principe fondamental qui rend les choses vivantes plutôt qu’inertes. Dans un tirage, il apporte son énergie à la carte vers laquelle il se dirige (j’ai déjà écrit sur le Mat, entre autre ici).

Une des grandes questions que l’on est rapidement amené à se poser lorsque l’on étudie le Tarot est : « mais qu’y a t-il donc dans le baluchon du Mat ? » et la première réponse qui nous vient -et qui est parfaitement judicieuse- est qu’il pourrait y avoir les outils qui sont devant le Bateleur dans l’arcane suivant. Mais, j’aime cette idée qu’il pourrait aussi y avoir des graines, tant au sens réel que métaphorique. Oui le Mat est lui aussi un fertilisateur, il apporte ce dont nous avons besoin au moment où il arrive, il est semence de Vie, y compris dans les aspects les moins raisonnables que celle-ci peut prendre parfois. Le Mat apporte quelque chose et repart avec quelque chose ; il est messager, éternel vagabond réveillant ce qui pourrait s’être endormi, semant ordre ou désordre. Son baluchon n’étant pas bien grand, on peut comprendre qu’il ne transporte que l’essentiel fuyant le superflu car voyager léger lui permet de voyager loin. Ce baluchon, parce que clos sur lui-même, ouvre la porte à tous les questionnements et à tous les possibles et cela est bon, car si son contenu avait été divulgué, il en aurait été figé pour toujours et nous n’aurions pu y projeter notre propre histoire et nos propres questionnements.

Ainsi donc, une des questions que l’on pourrait se poser lorsque le Mat apparaît dans un tirage pourrait être : « quels sont les graines ou les outils dont j’ai besoin que le Mat m’apporte dans son baluchon ? » Et, a contrario, si le Mat s’éloigne d’une carte, la question pourrait être : « avec quoi repart le Mat dont je n’ai plus besoin ou qui m’encombrait ? Et puis encore une autre question : « qu’aimerais-je que le Mat m’apporte là maintenant ? ». 

Maintenant, par jeu, persistons dans notre analogie avec Kokopelli : 

- Un ménestrel et un esprit de la musique ? Les grelots du Mat chantent tout en annonçant sa venue. 
- Un conteur ? Si les contes et les grands récits sont des fertilisateurs extraordinaires de nos psychés, le Mat ne pourrait-il être celui qui nous apporte un nouveau récit ?
- Un voyageur de commerce ? Il se dirige vers le Bateleur qui est un forain ou un prestidigitateur.
- Un faiseur de pluie ? Là… je sèche !
- Un guérisseur ? Oui, en ce sens qu’il amène la vie, le mouvement, le changement (son double noir l’Arcane sans nom étant très exactement le Mat passé au rayon X).
- Un professeur ? Oui, un professeur de liberté !
- Un magicien farceur ? Cet arcane est aussi appelé le Fou dans d’autres jeux.
- Un séducteur ? Sans doute est-ce moins évident… Mais les formes que peuvent prendre ce que l’on pourrait considérer comme sa liberté (et le Mat représente la liberté) peuvent souvent être tout autant trompeuses qu’enjôleuses.
- Un fertilisateur ? Oui, comme il est dit plus haut, c’est sans doute d’ailleurs sa fonction première. Apportant la vie et le renouveau, il vient fertiliser ce qui s’est appauvri au fil du temps.

Ah oui, une dernière chose : Kokopelli est présenté avant tout comme un joueur de flûte, ce qui, c’est entendu, n’est pas le cas du Mat. Toutefois, dans le Tarot une flûte (ou apparenté) il y en a une. Si, si… Va voir l’Arcane sans nom (tu sais le « double » du Mat) et regarde bien par-terre… (Je précise que j’utilise comme Tarot le « Camoin-Jodorowsky »)

Il est toujours troublant lorsque l’on travaille sur les mythes, les divinités, le Tarot ou les contes, de constater les similitudes ou les points communs à travers les cultures (toutefois, ayant dit ceci, loin de moi l’idée d’un syncrétisme s’adaptant à tout !) Face à cet état de fait, certains s’enhardissent à envisager des liens de causalité (comme cela a été fait par exemple entre le Tarot et la mythologie égyptienne) ; confondant alors à mon sens lien de similitude et causalité ; or ce n’est pas parce qu’il y a similitude qu’il y a obligatoirement causalité. Pour ma part, j’aime cette idée que, confronté à des questions semblables et portant en ses gènes les traces des expériences de ceux qui l’ont précédé, l’être humain en soit venu à élaborer des réponses semblables ; et j’aime aussi cette belle idée de l’inconscient collectif et de ses archétypes.

Ce qui m’amène du coup à une autre hypothèse : et si dans le baluchon du Mat, il y avait aussi… des questions ?

(1) Au passage, une flûte, des graines, des plantes, des sacs de chansons, des objets sacrés ou médicinaux ; cela ressemble quand même beaucoup à ce dont a besoin un « medecine-man ».


Kokopelli

mercredi 8 août 2018

Ce n'est pas le Tarot qui répond aux questions !


Ce livre que semble te montrer la Papesse n'est pas à apprendre par cœur. C'est le livre de la Vie. Il est là pour t'inspirer par pour te réduire !


J’avais lu un livre de Georges Colleuil (« Tarot l’Enchanteur ») il y a quelques années sans qu’à l’époque son contenu ne vienne résonner avec ce qui m’animait alors concernant le Tarot. Pour trouver sa voie, en toute chose, il faut parfois savoir fermer les portes du ciel pour n’entendre que son propre murmure… Et puis, au hasard de mon déménagement récent, le remettant sur l’étagère au sortir d’un carton, je l’ai mis de côté pour y revenir. Et bien sûr, si je ne partage pas tout bien sûr, il y a dedans des choses très intéressantes.

Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ce qui, dans un livre, vient bouger quelque chose en nous de vraiment profond, n’est souvent pas le livre lui-même dans son ensemble, mais en fait juste une ou deux phrases qui, comme par inadvertance, viennent frapper notre esprit, et par là-même mettre en circulation quelque chose de nouveau et d’important.

Ainsi cet après-midi où prenant le livre au sortir d’une micro-sieste, je tombe sur ce passage :

« Beaucoup d’idées reçues circulent sur le Tarot. Selon l’une d’elles le Tarot répondrait aux questions qu’on lui pose. Je ne crois qu’il faille l’aborder ainsi. Plutôt que de répondre aux questions qu’on lui pose, le Tarot met des questions là où l’on croyait avoir des réponses. Il ne contient pas un savoir figé qui serait enfermé, ici et là dans ses petites images cartonnées, mais il interroge le savoir que nous avons emprisonné dans nos grandes cervelles intelligentes. C’est dans ce sens que l’on peut dire que le Tarot est philosophe, qu’il est un maître authentique : il ne transmet pas un savoir, mais il interroge celui que nous portons en nous. »

Quand je comprends quelque chose d’important, je ressens tout un ensemble de signaux tant psychiques que corporels qui s’activent en moi. Comme une sorte de warning trompetant qui dit : « attention, ne rate pas ça ! ».

Parce que cette idée-là je tournais autour depuis un moment, surtout quand j’essayais d’expliquer le type de Tarot que je pratique (en fait un tarologue comme moi passe plus de temps à expliquer qu’il ne fait pas de divination et pourquoi qu’à expliquer ce qu’il fait vraiment). Et puis travaillant autour de ce concept de « Tarot chamanique » (ou « intuitif »), je sentais bien que quelque chose se passait pendant les consultations pour laquelle je n’avais pas encore tous les mots.

Parce que oui, une séance de Tarot est un travail collectif dans lequel sont impliqués nombre d’acteurs : la tarologue, le consultant, le Tarot et -si l’on en accepte le principe- un champ d’informations trans personnel (que certains appellent aussi « esprits »). A chacun de faire sa part de travail, le tarologue étant en quelque sort le garant du processus. Et finalement oui, le but d’une consultation n’est pas d’apporter des réponses toutes faites au consultant, car elles seraient alors inopérantes, mais bien d’activer chez lui une intelligence particulière de laquelle il peut être un peu / beaucoup coupé. Grand nombre de tarologues peuvent témoigner du fait que souvent la personne qui consulte sait au fond d’elle-même très bien ce qu’elle a à faire, et qu’elle a juste besoin de se l’entendre dire !

Comme je l’ai déjà développé moultes fois, les arcanes du Tarot sont des archétypes qui parlent le langage de la psyché et même de l’âme. Ils sont des processus psychiques et spirituels qui sont avant tout optiques en ce sens que ce sont des images. Et même si il est souhaitable bien sûr que le tarologue parle , en tant que tel, les arcanes ne parlent pas mais se contentent de montrer ; court-circuitant ainsi notre routine psychique et le plus souvent discursive.

J’ai longtemps eu du mal (même si je fais aussi des consultations dans les cafés très peu formalisées) à assumer l’aspect ritualisé des mes consultations (le tambour et leur déroulement très structuré). Mais je pense que c’est justement pour cela qu’elles peuvent être opérantes, car comme je l’ai également souvent écrit, la psyché humaine fonctionne par rituel et par symbole bien plus que par raisonnement cartésien.

Ainsi, le rôle d’une consultation de Tarot n’est pas que le tarologue s’arroge un pouvoir en indiquant au consultant ce qu’il doit faire (ou pire : ce qui va lui arriver !), mais bien de redonner un pouvoir à ce dernier en remobilisant en lui des ressources et des capacités de compréhension desquelles il était coupé pour quelque raison que ce soit. Le tarologue est comme un défricheur : travaillant avec le Tarot, il débroussaille, il éclaire, il propose des chemins, il balise les culs de sac pour que le consultant puisse in fine définir un nouvel itinéraire en toute conscience et surtout retrouver la connexion avec ce "savoir" dont parle Colleuil et que chacun porte en soi … 

J’aime cette idée que certaines formes de l’activité humaine (pour moi ce furent les contes, le Tarot et les pratique dites « chamaniques », mais il y en a bien d’autres !) viennent en quelque sorte réveiller une intelligence très ancienne qui en nous s’est assoupie alors qu’elle nous est absolument vitale et que nous en sommes les dépositaires le plus souvent ignorants.

Une consultation de Tarot est donc un processus collectif grâce auquel le consultant -en ayant la possibilité de se connecter à sa part la plus féconde- effectuera par lui-même un cheminement au cours duquel il va co-élaborer ses propres réponses en fonction de ses besoins faisant ainsi émerger un « nouveau » auquel il n’aurait pas toujours spontanément pensé. Que pour différentes raisons, il refuse de porter cette part qui lui revient, se mettant dans une position d’attente d’une vérité « révélée » et alors la consultation ne fonctionnera pas. De la même façon, dans mon expérience en tout cas, le Tarot n’est pas vraiment adapté à des personnes ayant vraiment perdu tout repère et dont les capacités psychiques sont très altérées. D’autres outils alors doivent leur être proposés...

lundi 30 juillet 2018

Quand survient l'Arcane sans nom




Lorsqu’un changement ou un imprévu désagréables surgissent (ici l’Arcane sans nom), on ne peut faire autrement que de tenter de les intégrer. Pleinement. Car aller contre l’inéluctable revient à vouloir vider la mer avec une cuillère.

Viennent dans les premiers instants et une fois la paralysie du choc initial passée, les réponses fonctionnelles : prendre les dispositions qui s’imposent, réorganiser sa vie comme cela s’avère nécessaire. Nous devons aller mobiliser notre créativité et notre réactivité (le Bateleur) tout en tentant de nous ancrer dans ce que nous avons de plus stable et de plus sûr (ici l’Empereur).

Voyant débouler l’imprévu comme un torrent de montagne entrant dans notre cuisine, notre première réaction est la peur. Peur de ne pas trouver les bonnes réponses, peur de la précarité, de nos fragilités, de notre solitude, de la maladie, de la mort… Nous en avons tellement des peurs ! Et bien sûr qu’il nous revient de ne pas nous laisser paralyser par elles. Mais au-delà de la peur, il y a autre chose. C’est qu’en ces moments de mise à mal, il y a une chose à laquelle nous ne pensons pas immédiatement ; c’est que cette intrusion de l’imprévu et de l’incertitude ouvre alors le champ à de nouveaux possibles. C’est une des lois du vivant : le nouveau vient de l’entropie. En prendre conscience, c’est pouvoir commencer à développer l’idée qu’il pourrait être intéressant de chercher ces nouveaux possibles plutôt que de s’arrêter au désastre étalé sous nos yeux. Ainsi, une rupture amoureuse peut être l’occasion de comprendre des choses de soi, ou bien encore de rencontrer une autre personne. Un licenciement peut être l’occasion de renouer avec soi ou de s’orienter vers d’autres horizons, et ainsi de suite… En chaque contrariété et empêchement reposent à la fois, et un troll, et un nouveau potentiel inconnu. Il est difficile à voir parce que souvent bien caché et différé dans le temps. Il convient juste alors se mettre en état de disponibilité et de bien débloquer les verrous pour que lorsqu'il se pointera la porte puisse s’ouvrir.

« Différé dans le temps », disais-je. Et c’est là l’autre point important. Face à des chocs conséquents, une fois passées les dispositions à prendre d’urgence, notre psyché a besoin de temps pour se recomposer face à cette nouvelle donne. Et parfois même de beaucoup de temps. Ce temps-là est parfois plus difficile à traverser que le choc de l’épreuve elle-même, parce que nous voudrions que tout cela se résolve au plus vite et parce qu’entre ces deux points-là -le choc et sa résolution psychique- nous sommes en quelque sorte vides de nous-mêmes, en partie dépossédés d’un pouvoir qui nous semble perdu. Or, la psyché a besoin de ces marées basses, elle a besoin de ces temps de vide. C’est pour cela que l’Arcane sans nom avance sur une terre noire d’hiver. La psyché fonctionne en général à notre insu. Elle fournit tout un travail souterrain qui ne nous vient à la conscience qu’une fois une bonne partie du processus achevé. Ainsi, derrière ces moments d’attente, de rien, et parfois même d’impuissance, reposent une puissance en devenir, un processus qui a la force du vivant et qui nous permet de rebondir presque comme neuf quand le temps est venu. Juste alors devons-nous avoir recours à une chose merveilleuse qui sans doute se cultive mais sans que personne n’en ait jamais eu la recette parfaite : la confiance...

Accepter ses peurs, voir le renouveau en germe parfois même au cœur de la désolation, faire confiance au lent processus de régénération de sa psyché après le choc et en accepter parfois la lenteur. Alors les catastrophes peuvent devenir des alliées dont nous utilisons la force de transformation à notre profit plutôt de les laisser nous détruire.

Et puisque le Tarot est une structure merveilleuse, faisons la translation numérique du tirage dont il est question ici : 13 + 1 + 4 = 18. Soit la Lune. Soit ce travail invisible et souterrain de la psyché dont il est question plus haut !

dimanche 17 décembre 2017

C'est bien le Diable si...



Il arrive parfois que ce qui s’avère un jour être une question évidente passe longtemps presque totalement inaperçue. Ainsi le fait que le Diable ait un visage sur le ventre -et donc une bouche- et des yeux sur les genoux. Bien sûr que la chose est pointée dans bien des ouvrages ; mais étonnamment les analyses sur la question sont le plus souvent rapides et presque évacuées. Pourtant, si l’on part du principe que rien dans le Tarot de Marseille n’est là pour rien, on ne peut que s’interroger. Qu’il exhibe une poitrine de femme et un sexe d’homme va bien avec la connotation sexuelle et instinctuelle qu’on lui prête, mais ces yeux et ce visage ?

Tout d’abord constater qu’ils ne sont pas placés à n’importe quel endroit : ils sont sur les genoux et sur le ventre. Bien sûr à l’époque de sa conception personne n’aurait théoriser sur le fait que notre estomac et nos intestins étaient un deuxième cerveau… Mais sans doute aurait-on pu dire que si le Diable a quatre yeux, c’est pour souligner le fait qu’il voit dans les ténèbres. Il appartient au royaume de la nuit et de l’obscurité. Il a des ailes de chauve-souris et une torche. Le Diable est celui qui voit dans le noir et donc voit ce que nous ne pouvons ni ne voulons voir. Alors il nous le montre. Et lorsque nous voyons notre part d’ombre, notre refoulé (sexuel, émotionnel, psychique…) nous enclenchons alors deux scénarios possibles : soit nous nous y attachons et devenons sa chose (c’est toute la problématique prédatrice autour du binôme « domination / soumission » du Diable), soit nous nous en libérons parce que le fait de voir et de conscientiser nos ombres nous permet de déjouer ses stratégies et de la désactiver en nous. Cette toute la dualité de Lucifer qui dans le christianisme est un ange déchu. Un porteur de lumière qui aurait mal tourné… Il a d’ailleurs bien des caractéristiques communes avec les dragons : ailes de peau, serres au bout des doigts, hybridité de ses origines, relation au feu et à la caverne… Or, ne dit-on pas toujours dans les histoires que, là où il y a un dragon, il y a un trésor ?
Le Diable est donc double : tentateur (et si tu succombes il t’attache à lui) ou éclaireur (mais encore faut-il avoir le courage d’aller y voir ! Mais alors que de trésors ne trouvons-nous pas !).

Mais revenons à ce visage et à ces yeux. En fait, il voit avec son corps et son corps parle. Ainsi nous demande t-il très frontalement : que te dit ton corps ? Qu’est-ce que tu comprends de ton corps ? Tu dois te connecter à l’intelligence de ton corps ! Et cela est intéressant, parce que dans le chemin du Tarot et donc dans sa progression numérique, le Diable est le numéro 15. Cela signifie qu’il ouvre le troisième tiers de ce chemin ayant déjà vécu bien des expériences aussi bien dans la matière que spirituelles. Après lui, il y a la Maison Dieu (ce qui était enfermé est libéré) puis le cycle cosmique (Étoile, Lune, Soleil) puis l’Éveil (Le Jugement et le Monde). Si on part du principe que le Tarot est le voyage de la conscience qui s’incarne, l'arcane du Diable, au pied de la lettre, nous pose bien la question de l'incarnation. Or, elle est presque à la fin ! Cela revient à dire qu’il y a là une information et une mise en garde très importante qui en substance pourrait dire ceci :

- " Attention, tu te crois éveillé, tu crois être dans la spiritualité. Tu ressens comme une extase psychique. Tu crois être pure énergie, avoir touché Dieu, t’être émancipé de la matière. Mais n’oublie pas ; tu as un corps. Et ce corps sait plus de choses que ce que tu ne le penses. Négliges-le et tu le paieras cher. Ne l’écoute pas et tu seras comme aveugle. Refoules ce qu’il te dit, et alors le risque que tu ne deviennes esclave de tes ombres devient plus que certain ! Avant l’ultime séquence cosmique du Tarot, tu te dois de revenir à ton corps, à ses mémoires et à son savoir. Parce que tout ce que tu ne sais pas, moi je le sais. Et tout ce que tu ne sais pas et que je sais, est un moyen supplémentaire pour moi de t’attacher à moi et de faire de toi ma chose, mon petit diablotin attaché… Par contre, sache que si tu passes cette étape comme il se doit, alors dans ton corps tu trouveras un trésor... Et n'oublie pas : il ne peut y avoir de réalisation sans incarnation. Il ne peut y avoir de spirituel sans matière, et ainsi de suite..."

Ce rappel de l’incarnation dans le corps n’est pas que dans le Diable, on le trouve aussi dans l’Étoile ! (Où, là aussi, le genou apparaît comme un lieu d’ancrage et de compréhension à prendre en compte). Le Tarot, à cette lecture, s’avère bien plus transgressif pour l’époque de sa conception que ce que l’on pourrait imaginer.

Chaque arcane du Tarot est comme un miroir qui nous questionne. Le Diable donc nous regarde et nous dit (entre autres choses toutes aussi importantes) : comment respectes-tu ton corps ? Que te dit ton corps ? N’oublie pas que tu ne peux pas être que pur esprit. Tu dois honorer ton corps comme un temple. Moi je parle son langage. Alors écoute-moi et écoute-le. A toi de ne pas me laisser t’embobiner...

jeudi 2 novembre 2017

Un autre Monde : la danse de l'âme


Dans le déambulatoire de l’église Saint Sernin de Toulouse peuvent être admirés de magnifiques reliefs en marbre datant des XI et XII ème siècles. Entre deux anges, un chérubin et un séraphin a été représenté un Christ en majesté dans une mandorle entourée d’un tétramorphe.

A l’origine, un tétramorphe représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d’Ézéchiel : un aigle, un taureau, un lion et un homme ; tous quatre avec des ailes (donc une apparence d’ange !). On trouve antérieurement déjà cette vision des « quatre vivants » en Égypte, à Babylone et en Mésopotamie. Depuis il est d’usage d’y voir les quatre évangélistes : Matthieu, Marc, Luc et Jean. 

On peut voir (mais les variations possibles sont infinies) dans le taureau le symbole du corps et de la force physique, dans le lion celui de cœur et de la sexualité, dans l’homme (ou l’ange) celui de l’esprit et des pensées, dans l’aigle le symbole de l’âme. Terre, feu, air et eau. Corps, cœur, esprit, âme...

Maintenant, prenons l’arcane le Monde dans le Tarot de Marseille. 


Qu’y voit-on ? Une mandorle, un ange, un aigle, un taureau (ou une vache) et un lion. Référence on ne peut plus explicite, quand bien même si l’on compare avec l’œuvre de l’église Saint Sernin, ange et aigle apparaissent inversés.

Les premiers Tarot datent de la deuxième moitié du XV ème siècle. Et, même si le Tarot trouve explicitement ses sources iconographiques dans l’imaginaire médiévale donc principalement chrétien, on peut voir là la survivance, voire la revitalisation ou la perpétuation, d’un symbole très ancien ayant traversé plusieurs cultures. 

L’arcane du Monde est l’aboutissement du chemin du Tarot. Son apothéose. Tout est réalisé. Tout est plénitude, paix et accomplissement. La conscience danse au centre d’un univers matriciel entouré des symboles de la totalité de l’expérience humaine. Le fond est blanc. Cette conscience accomplie et heureuse est représentée par une jeune femme nue ceinte d’une simple écharpe, une baguette dans une main, un objet moins identifiable dans l’autre (une gourde ? Une bourse ? Un instrument de musique ? Probablement un des outils posés sur la table du Bateleur qui a enfin trouvé son plein potentiel).

Si je fais tous ces détours, c’est pour arriver à une chose. Regardons ces deux images ; ce bas relief des XI et XII ème siècles et cet arcane du Tarot (ici dans la version proposée par Jodorowsky). La mandorle, le tétramorphe… Mais au milieu ? Au milieu, nous sommes passés d’une représentation du Christ en majesté à celle d’une femme presque nue dansant ! Et c’est là me semble t-il que réside un vrai mystère et un authentique basculement. Car enfin, au XV ème siècle, passer d’un Christ à une femme nue est loin d’être anodin… L’époque était patriarcale en diable, l’église on ne peut plus masculine (et la légende de la papesse Jeanne n’y change rien !). Elle était guerrière avec une royauté de droit divin et totalement imprégnée et structurée par la religion chrétienne. Alors remplacer un Christ en majesté par une femme nue… Même le Christ n’échappa pas à cette masculinisation : antérieurement représenté sans barbe (comme à Saint Sernin) il se vit rajouter les siècles passant une pilosité qu’il n’avait pas au début !

Le Tarot contribua sans doute à faire entrer le féminin dans l’imaginaire collectif de façon toute aussi insidieuse que spectaculaire. Et la parité entre représentation masculine et féminine dans les arcanes majeurs y est presque. La Papesse y est l’égale du Pape, l’Impératrice de l’Empereur… La Lune du Soleil…

Cette représentation d’une femme nue dansant est libre de toute appartenance religieuse. Libérée du joug de toute honte ou culpabilité, tout comme l’Étoile, autre femme représentée nue. On peut supposer que pour l’époque cela fut sans doute plus que transgressif. Les troubadours qui contribuèrent tant à repenser la place de la femme dans l’imaginaire social et affectif avaient disparu à l’époque des premiers Tarots. Alors que cela voulait-il dire ?

Mon hypothèse est que ce retournement de perspectives pourrait être l’essence même du Tarot. Dans les arcanes majeurs, la dernière représentation d’un personnage humain représenté dans une fonction sociale est l’Hermite (l’arcane numéro 9). Ensuite ce sont des symboles, des entités, des vertus ou des astres. Comme si tout le chemin du Tarot consistait à s’émanciper de tous les rôles, de toutes les croyances, de tous les empêchements, de toutes les fonctions, pour toucher la lumière blanche de l’âme. Dans l’arcane du Monde, il n’y a plus ni dieu, ni messie, ni Pape, ni Papesse, ni Empereur, ni Impératrice… Il n’y a plus que l’âme du monde dansant légère et nue libérée de toutes les croyances. Il n’y a plus d’intermédiaire entre l’être et le divin, plus d’intercesseur, juste un accès direct à l’expérience spirituelle la plus aboutie.

Le Tarot est décidément une structure fascinante qui osa en quelque sorte coder les processus de la conscience et de la psyché dans un simple jeu de carte et remplaça un Christ en majesté par une jeune femme nue. Seule l’apparence d’un simple jeu sans doute permit ce tour de passe-passe sans encombre. Le Tarot est une ruse. Un jeu d’enfant. Presque un gag qui peu à peu remplaça le lourd du religieux par la fragile innocence de l’âme nue...

lundi 4 septembre 2017

Changement d'appellation




Après l’avoir expérimenté pendant trois ans et avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé d’abandonner l’appellation « Tarot chamanique » pour présenter mon travail autour du Tarot, étant précisé que j’en garde le principe et le concept et ne change que l’appellation. Ce fut une décision difficile à prendre, mais qui à mes yeux était nécessaire pour deux raisons :

La première est que, sitôt que l’on sort des petites sphères sociales du Tarot et des pratiques chamaniques, peu de personnes connaissent le Tarot ou les pratiques chamaniques. C’est un phénomène bien connu qui fait lorsque l’on s’intéresse à quelque chose on rencontre des personnes qui s’y intéressent aussi et on finit par se convaincre que tout le monde est concerné, tant tous ceux qui nous entourent le sont… C’est une erreur de parallaxe qui peut d’ailleurs causer bien des désagréments lorsque l’on découvre que c’est loin d’être le cas !

Pour la majorité des personnes, le Tarot est soit un jeu de cartes auquel on joue, soit un truc de divination exercé par des cartomanciennes plus ou moins honnêtes.
Résultat, quand tu dis que tu ne fais pas de divination (et je suis sensé en faire, puisque « j’ai des pratiques chamaniques » !), je me retrouve embringué dans un long argumentaire au cours duquel, d’ailleurs, je passe plus de temps à expliquer ce que je ne fais pas plutôt que ce que je fais…

Quant au mot « chamanique », il est vague dans l’esprit de beaucoup. Ces pratiques, même si elles se développent considérablement en ce moment, restent encore très méconnues et beaucoup encore, à l’écoute de ce mot, imaginent vite un homme en peau de bêtes possédé et hurlant à la mort… (j’exagère, mais à peine).

De ce fait, ces deux facteurs cumulés font que l’appellation « tarot chamanique » fait fuir plus de clients potentiels qu’elle n’en fait venir ; beaucoup y voyant « un truc complètement barré et perché » pour le moins louche, auquel ils n’attachent aucun sérieux. Ce dont je peux témoigner, c’est que j’ai moins de clients depuis que j’ai adopté cette dénomination qu’avant, alors que -objectivement- mes prestations en tant que tarologue sont bien plus profondes et pertinentes…

La deuxième raison, c’est que face à cette méconnaissance, l’agrégation des mots « Tarot » et « Chamanisme » créé un champ fantasmatique tout aussi puissant que confus au sein duquel certaines personnes investissent alors le tarologue d’une sorte de toute puissance qu’il n’a pas. Parce qu’évidemment, s’il est tarologue et chamane (ce que je ne suis pas d’ailleurs, je préfère le préciser) il a le pouvoir de vous guérir de toutes les blessures par un deus ex machina complètement fantasmé… Ainsi cette femme semble t-il confuse (elle m’avais appelé mais, heureusement, n’a pas confirmé de rendez-vous) qui aurait voulu que je l’informe de la date de sa mort… Cette toute puissance conférée au tarologue a en général pour conclusion l’insatisfaction et la frustration, la personne n’ayant pas reçu ce qu’elle était venue chercher.

Parce que j’ai à cœur l’idée que la Tarot est là pour redonner son libre-arbitre, et donc sa liberté, à chacun, je me méfie comme de la peste de cette toute puissance dont je pourrais être investi (même si bien sûr, je ne refuse pas la responsabilité que je considère être la mienne). La seule puissance que je revendique est celle consistant, grâce à ma connaissance du Tarot et à ce que j’ai compris du fonctionnement de l’âme humaine, à éclairer, reformuler, nourrir la psyché, pointer des choses pouvant être erronées... pour redonner un nouvel élan aux personnes qui viennent me voir. Après, c’est elles qui font (ou ne font pas) le travail, mais cela leur appartient.

Du coup, une fois cette appellation abandonnée se repose avec encore plus d’insistance la question de la qualification de mon travail autour du Tarot.

Là où j’en suis, cela prend la forme suivante :

« Une consultation de Tarot pour une meilleure connaissance de soi et pour éclairer son chemin, au son d’un tambour pour mieux entrer dans notre espace intérieur ». Je crois que c’est simple et clair.

Je vais donc bientôt proposer un nouveau site. Pour l’appellation de ce blog et de la page Facebook qui l’accompagne, je vais réfléchir encore un peu.

Le comble est que cette décision intervient à un moment où je pense avoir ouvert une nouvelle porte quant à la pratique du Tarot, porte très clairement adossée à certaines pratiques chamaniques. J’en profite pour redire que si j’en abandonne la dénomination, je conserve bien sûr le protocole de consultation du Tarot tel que je l’ai développé -et commencé à le transmettre- ces dernières années.

Les mots « chaman », « chamanisme » et « chamanique » sont depuis l’époque où l’on a commencé à les utiliser (début 19 ème je crois) des dénominations pas toujours appropriées, globalisant des pratiques et des contextes fort divers. Nous sommes nombreux à chercher depuis un moment d’autres dénominations, mais à ce jour, cette recherche reste vaine.

Parallèlement à cette reformulation, je pense probable que dans les mois à venir, je vais développer et proposer plus explicitement certaines pratiques chamaniques (ce que je fais déjà avec les « rencontres d’âmes »), parallèlement à mes consultations de Tarot.

Paradoxe des paradoxes, c’est donc peu ou prou au moment où je vais « officialiser » certaines de mes pratiques chamaniques, que je fais le choix de les distinguer -dans la présentation tout au moins- de ma pratique du Tarot Ce distinguo sera je pense, plus clair et plus efficace, même si dans les faits, une certaine porosité entre tous ces axes de travail sera présente…

La pluralité de mes pratiques ne m’est pas toujours facile à gérer : tarologue, conteur, masseur, écrivain, musicien, praticien chamanique… Si certaines s’accommodent fort bien ensemble, d’autres le font beaucoup moins (par exemple, va expliquer à un chef d’entreprise que tu démarches pour des massages que tu es aussi tarologue, je doute que ça le fasse…) C’est à la fois riche et compliqué. J’avais pensé comme dénomination générique à « Jardinier de l’Humain ». C’est joli, je trouve, mais fort peu marketing sans doute...

dimanche 29 janvier 2017

Stage Tarot chamanique



Le prochain stage de Tarot chamanique, co-animé avec Murielle Lemarié praticienne chamanique, aura lieu le weekend du 18 et 19 mars à Paris.

Cet atelier se propose de faire découvrir la rencontre entre Tarot de Marseille et chamanisme. Murielle Lemarié et moi-même travaillons tous deux à partir du Tarot développé par Alexandro Jodorowsky et nous avons ainsi eu envie de faire partager une autre façon d'aller à la rencontre du Tarot.

En co-animation, nous vous proposons un atelier sur deux jours afin de découvrir et d’explorer la pratique du Tarot sous cet angle novateur.

S'il est indispensable d'étudier le Tarot de Marseille de façon pragmatique (la connaissance intellectuelle, l'intuition, les symboles, l'histoire...), entrer dans une relation chamanique (en état modifié de conscience) avec les arcanes amène le Soi supérieur à une vision plus large et plus subtile avec le Tarot.

Le Tarot est ici vu et utilisé comme un outil de développement personnel, de connaissance de soi et du monde.

A travers un parcours à la rencontre des arcanes et de soi, cet atelier vous propose de partir à l'aventure, à la rencontre ou à la découverte du Tarot, sous la forme d'une Quête personnelle afin de nous mettre en chemin.

Pré-requis : Pour suivre cet atelier il est demandé d'avoir une expérience préalable des voyages chamaniques. Vous pouvez ainsi suivre les ateliers d'initiation aux mondes de l'esprit en groupe ou en individuel proposés par Murielle (voir sur son site : http://www.chamanismetherapie.com/ ). Si vous avez suivi un enseignement par ailleurs n'hésitez pas à la contacter par mail afin d'échanger avec elle (lacroiseedescordes@yahoo.fr).

Conditions tarifaires : 240 € les deux journées.

Pour tout renseignement et/ou inscription, me contacter, soit par mail (dominiquemotte@gmail.com), soit par téléphone (06 87 47 62 81)